En 1975, un an après le succès de l’exposition Mille ans de littérature occitane (Béziers, Musée des Beaux-Arts, 1974) et en plein renouveau occitan porté par une création prolifique et un mouvement social de revendication autour des thèmes du « colonialisme intérieur » et du droit de « vivre et travailler au pays », l’écrivain, intellectuel et activiste occitan Yves Rouquette (1936-2015), alors professeur au lycée de Béziers, convainc la Ville de soutenir son projet de « bibliothèque nationale occitane ».
À son appel, de nombreux écrivains, artistes, chercheurs et militants, de toute l’Occitanie et même de l’étranger où les études occitanes étaient souvent mieux implantées que dans les universités françaises, soutiennent la création du Centre international de documentation occitane (CIDO).
Le CIDO voit alors affluer dons de livres, d’archives, de bibliothèques entières et mène une active politique d’acquisition afin de constituer une collection encyclopédique et représentative de la richesse et de la diversité des expressions culturelles, scientifiques, intellectuelles et sociales occitanes des origines à nos jours.
« Et moi qui, à trente ans, tempêtais contre tout ce qui peut rappeler musées, folklore, collections, viandes froides, voici que je suis devenu le principal conservateur du Patrimoine Occitan. En 1975 j’ai créé, avec le Centre International de Documentation Occitane, la machine à ramasser, sauver, conserver, classer, étiqueter, ranger et mettre à la disposition de tous l’essentiel de l’écrit occitan…
Un peuple n’est rien sans mémoire. Celle du peuple occitan se met à fonctionner. Il faut la compléter, la dérouiller, l’utiliser à fond.
J’avais peur ces dernières années passées à convaincre, à trouver des sous, à faire vivre ce SERVICE PUBLIC, d’y perdre un peu mon âme, d’y engloutir mon temps d’écrire, d’y abandonner l’énergie qu’il faut pour se battre. Et puis, non. Je ne suis devenu ni folkloriste, ni paperassier. J’écris comme un perdu. Comme jamais je n’ai écrit. Je veux dire : aussi joyeusement. Adossé à des siècles et à des tonnes de papier noirci pour dire non à la mort de ma langue, je me sens parfaitement vivant. J’avance chargé de mes morts ? Et après ? Les morts n’empêchent pas d’entendre la respiration pressée des nations en travail de naissance. Du haut des tours, même menaçant ruine, on voit loin et clair. En se retournant du côté d’un passé de splendeur et de misère, on mesure d’où on vient. On voit la mort derrière soi, traversée… »Yves Rouquette, « On avance chargé de ses morts », 1981.
Dès ses débuts, le CIDO articule en permanence les exigences de conservation et de gestion documentaire avec l’urgence de transmission en fonctionnant comme une véritable bibliothèque nationale d’initiative populaire, où artistes, écrivains, chercheurs participent pleinement à la vie de l’institution pour mettre en œuvre expositions, colloques, publications, etc. Le CIDO se professionnalise et acquiert rapidement une reconnaissance des institutions (collectivités locales, universités, Bibliothèque nationale, ministère de la Culture, etc.) Au tournant des années 1970 et 1980 il est l’organisme intégralement dédié à la culture occitane le mieux doté en matière d’emploi, de métiers et de moyens et fonctionne comme un service public documentaire et culturel.
L’association entre en crise dans le courant des années 1990, due autant aux crises internes de l’occitanisme qui se jouent à l’intérieur même du CIDO (courant « universitaire » contre-courant « populaire ») qu’à l’émergence au même moment de politiques publiques régionales en faveur de l’occitan. La crise aboutit à la fin de l’activité de l’association en 1995, reprise en 1998 par un nouvel établissement, public cette fois, administré par la Ville de Béziers et la Région Languedoc-Roussillon dans le cadre d’un syndicat mixte, le Centre interrégional de développement de l’occitan (CIRDOC).