L'E.P.C.C.

L’établissement public de coopération culturelle

Le Centre international de recherche et documentation occitanes (CIRDOC – Institut occitan de cultura) a été créé en 2019 sous la forme d’un établissement public de coopération culturelle à vocation nationale et internationale par l’État (Ministère de la Culture), les Régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, la Ville de Béziers, les Départements de l’Hérault, des Pyrénées-Atlantiques et de l’Aude, les communautés d’agglomération de Pau-Béarn-Pyrénées et Béziers-Méditerranée.
Les neuf institutions publiques fondatrices ont décidé de fusionner les missions, les métiers et expertises de deux organismes précédents qui ont marqué le développement de l’action publique en faveur de la langue et de la culture occitanes, l’Institut occitan Aquitaine et le Centre interrégional de développement de l’occitan.
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Histoire de l’institution

1975-1995 – Création et développement du Centre international de documentation occitane (CIDO) à Béziers

En 1975, un an après le succès de l’exposition Mille ans de littérature occitane (Béziers, Musée des Beaux-Arts, 1974) et en plein renouveau occitan porté par une création prolifique et un mouvement social de revendication autour des thèmes du « colonialisme intérieur » et du droit de « vivre et travailler au pays », l’écrivain, intellectuel et activiste occitan Yves Rouquette (1936-2015), alors professeur au lycée de Béziers, convainc la Ville de soutenir son projet de « bibliothèque nationale occitane ».

À son appel, de nombreux écrivains, artistes, chercheurs et militants, de toute l’Occitanie et même de l’étranger où les études occitanes étaient souvent mieux implantées que dans les universités françaises, soutiennent la création du Centre international de documentation occitane (CIDO).

Le CIDO voit alors affluer dons de livres, d’archives, de bibliothèques entières et mène une active politique d’acquisition afin de constituer une collection encyclopédique et représentative de la richesse et de la diversité des expressions culturelles, scientifiques, intellectuelles et sociales occitanes des origines à nos jours.

« Et moi qui, à trente ans, tempêtais contre tout ce qui peut rappeler musées, folklore, collections, viandes froides, voici que je suis devenu le principal conservateur du Patrimoine Occitan. En 1975 j’ai créé, avec le Centre International de Documentation Occitane, la machine à ramasser, sauver, conserver, classer, étiqueter, ranger et mettre à la disposition de tous l’essentiel de l’écrit occitan…
Un peuple n’est rien sans mémoire. Celle du peuple occitan se met à fonctionner. Il faut la compléter, la dérouiller, l’utiliser à fond.

J’avais peur ces dernières années passées à convaincre, à trouver des sous, à faire vivre ce SERVICE PUBLIC, d’y perdre un peu mon âme, d’y engloutir mon temps d’écrire, d’y abandonner l’énergie qu’il faut pour se battre. Et puis, non. Je ne suis devenu ni folkloriste, ni paperassier. J’écris comme un perdu. Comme jamais je n’ai écrit. Je veux dire : aussi joyeusement. Adossé à des siècles et à des tonnes de papier noirci pour dire non à la mort de ma langue, je me sens parfaitement vivant. J’avance chargé de mes morts ? Et après ? Les morts n’empêchent pas d’entendre la respiration pressée des nations en travail de naissance. Du haut des tours, même menaçant ruine, on voit loin et clair. En se retournant du côté d’un passé de splendeur et de misère, on mesure d’où on vient. On voit la mort derrière soi, traversée… »


Yves Rouquette, « On avance chargé de ses morts », 1981.

Dès ses débuts, le CIDO articule en permanence les exigences de conservation et de gestion documentaire avec l’urgence de transmission en fonctionnant comme une véritable bibliothèque nationale d’initiative populaire, où artistes, écrivains, chercheurs participent pleinement à la vie de l’institution pour mettre en œuvre expositions, colloques, publications, etc. Le CIDO se professionnalise et acquiert rapidement une reconnaissance des institutions (collectivités locales, universités, Bibliothèque nationale, ministère de la Culture, etc.) Au tournant des années 1970 et 1980 il est l’organisme intégralement dédié à la culture occitane le mieux doté en matière d’emploi, de métiers et de moyens et fonctionne comme un service public documentaire et culturel.

L’association entre en crise dans le courant des années 1990, due autant aux crises internes de l’occitanisme qui se jouent à l’intérieur même du CIDO (courant « universitaire » contre-courant « populaire ») qu’à l’émergence au même moment de politiques publiques régionales en faveur de l’occitan. La crise aboutit à la fin de l’activité de l’association en 1995, reprise en 1998 par un nouvel établissement, public cette fois, administré par la Ville de Béziers et la Région Languedoc-Roussillon dans le cadre d’un syndicat mixte, le Centre interrégional de développement de l’occitan (CIRDOC).

1996 – Création de l’Institut occitan à Pau par le Département des Pyrénées-Atlantiques

Au début des années 1990, les acteurs du mouvement occitan de Béarn, Bas-Adour et Bigorre réunis en Estats generaus de la lenga posaient avec le Département des Pyrénées-Atlantiques présidé par François Bayrou les jalons d’une politique publique en faveur du développement de l’occitan. Très vite un organisme dédié est créé, ce sera l’Institut occitan, en 1996.

En 2001, une première convention cadre est signée par la DRAC Aquitaine, le Recteur, le Préfet des Pyrénées-Atlantiques, le Président du Département des Pyrénées-Atlantiques et le Président du Conseil Régional d’Aquitaine permettant à l’Institut de s’inscrire dans le paysage régional et de mener des actions de socialisation linguistique.

Le périmètre d’intervention de l’établissement s’élargit au rythme du développement des politiques publiques, notamment régionales, en Aquitaine. En Assemblée Générale Constitutive, il devient en 2007 l’Opérateur du Conseil régional d’Aquitaine pour mener à bien son projet d’aménagement linguistique dit « Aquí Òc » ; et le partenaire du Département des Pyrénées-Atlantiques notamment dans le cadre de son schéma dit « Iniciativa ».

En 2012, à l’initiative de la Région Aquitaine, une convention d’objectifs pluriannuelle est signée associant la DRAC et les cinq départements aquitains (Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques). Cette convention renouvelée en 2015 confère à l’Institut Occitan Aquitaine, en qualité d’Opérateur régional des missions prioritaires d’accompagnement des collectivités et acteurs associatifs, de socialisation linguistique, de sauvegarde de la mémoire occitane, de valorisation numérique du patrimoine, de soutien à la Lecture publique, d’Éducation artistique et culturelle.

Par ailleurs, suite à l’élaboration de la convention de l’Unesco pour la Sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003), l’Institut occitan Aquitaine, situé dans une zone particulièrement riche d’expressions et de pratiques bien vivantes (chant polyphonique pyrénéen, traditions du feu, pratiques festives et rituelles, etc.), et bénéficiant d’un foyer d’enseignement supérieur et de recherche pionnier sur les problématiques du patrimoine culturel immatériel avec l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, développe une expertise scientifique et professionnelle pour l’accompagnement des projets d’inventaire, de sauvegarde et de valorisation du patrimoine culturel immatériel occitan.

Pionnier en France et en Europe en matière d’Inventaire et de médiation numérique du PCI, il reçoit en 2014 du ministère de la Culture le label Ethnopôle qui reconnaît ainsi l’intérêt national de son action dans ces domaines et lui confère la mission nationale d’animation de la recherche en ethnomusicologie de la France.

En 2016, lors de l’Assemblée générale des États parties à la Convention, il est accrédité par l’Unesco en qualité d’organisme assurant des fonctions consultatives auprès du Comité intergouvernemental de sauvegarde du PCI.

1999 – Création du CIRDOC – Mediatèca occitana

Créé en 1998 et inauguré dans un nouveau bâtiment en 1999, le Centre interrégional de développement de l’occitan (CIRDOC) répond lui aussi à l’émergence de politiques publiques en faveur de la langue et de la culture occitanes sous la forme d’un syndicat mixte entre la Ville de Béziers, soutien historique du CIDO, et la région Languedoc-Roussillon.

À partir de 2004, la nouvelle politique régionale en faveur de la langue et de la culture occitanes entraîne un développement des moyens et des missions du CIRDOC qui obtient en 2006 une reconnaissance nationale en devenant pôle associé de la Bibliothèque nationale de France. Le Centre est également désigné par la Région Languedoc-Roussillon pour conduire un projet de portail numérique de la langue et de la culture occitanes, qui permet d’ouvrir en 2008 un premier portail d’accès à l’actualité culturelle occitane La Pòrta d’Òc, transformé deux ans plus tard en Occitanica, portail collectif de la langue et de la culture occitanes.

Le CIRDOC a également contribué au développement de projets de coopération internationale en participant activement à l’Eurocongrès 2000 des pays occitans et catalans puis dans les années 2010 en initiant de nombreux projets de coopération transnationaux et européens (Forums eurorégionaux Patrimoine et création, projets Erasmus+ pour la coopération éducative, etc.)

2019 – Création de l’EPCC CIRDOC – Institut occitan de cultura

La création de l’établissement public parachève l’évolution des deux organismes comme outil au service des politiques publiques en faveur de l’occitan.

La complémentarité des expertises spécialisées (patrimoine culturel immatériel et cultures de tradition orale d’un côté, patrimoine écrit et savant, promotion de la création actuelle de l’autre) et des territoires d’intervention permettent de constituer une institution publique dédiée à la sauvegarde, la connaissance et la promotion de la culture occitane dans toute son ampleur historique, actuelle et territoriale.

La fusion des organismes vise également à permettre le renforcement des capacités d’action de l’établissement en faveur des grands enjeux nationaux, internationaux et technologiques qui se posent à la culture occitane et à ses acteurs aujourd’hui. Avec vingt agents permanents répartis en 4 pôles de compétence et deux sites physiques, l’établissement doit être en mesure de développer et proposer des ressources, des services et des outils bénéficiant au plus grand nombre de publics, de filières professionnelles, de réseaux d’acteurs sur l’ensemble de l’espace occitan (32 départements français, 2 régions en Italie et en Espagne), des réseaux de l’enseignement et de la recherche internationale en domaine occitan présents dans 22 pays sur 5 continents.

Sa constitution en EPCC répond également à la nécessité d’une meilleure articulation des politiques publiques, de l’État aux collectivités locales en passant par les Régions et Départements, dans le cadre de la compétence culturelle partagée.

Les statuts de création de l’établissement, adoptés par l’État et les 8 collectivités territoriales membres fondateurs, s’ouvrent en préambule par une référence directe à la Déclaration universelle sur la diversité culturelle (Conférence générale les États membres de l’Unesco, novembre 2001), qui désigne les grands enjeux culturels du XXIe siècle en matière de préservation de la diversité des expressions culturelles, en affirmant notamment : « la diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire qu’est la biodiversité dans l’ordre du vivant. En ce sens, elle constitue le patrimoine commun de l’humanité et elle doit être reconnue et affirmée au bénéfice des générations présentes et des générations futures. (…) il faut veiller à ce que toutes les cultures puissent s’exprimer et se faire connaître. La liberté d’expression, le pluralisme des médias, le multilinguisme, l’égalité d’accès aux expressions artistiques, au savoir scientifique et technologique – y compris sous la forme numérique – et la possibilité, pour toutes les cultures, d’être présentes dans les moyens d’expression et de diffusion, sont les garants de la diversité culturelle ».
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